Dans le chapitre précédent
Dans le chapitre 31, je prenais conscience de mes besoins d’un point de vue professionnel. Ma maladie m’avait menée une fois de plus vers une meilleure connaissance de moi, acceptant le fait qu’il me faudrait un emploi en lien avec les autres, dans le contact. Je découvrais mon tempérament extravertie et la manière dont je me nourrissais émotionnellement. Mais l’étape la plus cruciale fut lorsqu’il me fallut faire face à un adversaire redoutable pour ma confiance en moi : le fait de savoir s’affirmer et d’apprendre à communiquer !
Nouvel objectif professionnel : enseigner !
J’avais toujours voulu enseigner, même si la perspective d’enseigner en collège ou lycée ne me tentait pas outre mesure. Après quelques contacts avec des personnes travaillant dans le domaine de la formation professionnelle, je décidais de creuser dans cette voie.
J’envoyais quelques CV et j’obtins alors un poste en tant que responsable pédagogique. Ce n’était pas un poste de cadre, les horaires étaient fixes et cela me rassurait. Au moins, je serais en mesure de garder un certain contrôle sur mon besoin de repos.
Selon la description du poste, je devais gérer les recrutements, former les futurs professeurs à domicile. J’étais très enthousiaste par ce poste. Il me permettait d’appréhender les règles de la pédagogie, malgré une partie administrative très conséquente. J’étais cependant très naïve.
Je n’ai pas cherché à négocier mon salaire. Je ne savais pas le faire. S’affirmer et communiquer dans un contexte d’embauche me semblait inconcevable. Dans ma tête, j’avais déjà une chance extraordinaire d’être acceptée alors que mon parcours ne correspondait pas à un tel poste. Alors je pris mes fonctions, avec toute la candeur, les rêves et les projections que j’avais l’habitude de mettre dans mes emplois à venir.
Parce que, d’une certaine façon, à 27 ans, je rentrais réellement dans la vie active ! Avec tout ce que cela impliquait.
Nouvelle désillusion
Au départ, cela se passa très bien. Mais il était prévu qu’une nouvelle directrice de l’agence arrive, un mois après mon arrivée. Cette personne était un peu plus jeune que moi (j’avais 27 ans et elle en avait 25). Très rapidement, elle fut sur mon dos. Elle savait s’affirmer face à moi, tentant de prendre sa place et je me voyais me recroqueviller au fil du temps.
Je n’avais jamais expérimenté le monde de l’entreprise, je gardais une grande naïveté face à ce milieu et un côté très scolaire. Je pense que je ne la rassurais pas et elle devait certainement aussi manquer de confiance en elle, avec une forte envie de faire ses preuves étant projetée aussi jeune à un poste aussi important.
Toujours est-il qu’elle commença à contrôler le moindre de mes gestes. Plus elle me contrôlait, plus je faisais des erreurs. Lentement, je commençais à perdre tous mes moyens, à ne plus savoir maîtriser les choses les plus évidentes. J’étais incapable de m’affirmer et de communiquer avec elle.
Alors que je n’attendais qu’une chose, avoir l’opportunité de former les enseignants, elle le reportait sans cesse, me disant que je n’étais pas prête. Et peu à peu, je m’en persuadais. Oui j’étais inexpérimentée, oui j’étais nulle, pas encore au point, oui j’apprenais moins vite que les autres …
Mon corps et ma maladie se réveillent
J’étais vidée de toute énergie. Et ma confiance en moi, qui n’avait jamais été bien haute, avait chuté au plus bas.
De nouveau, je ne dormais plus la nuit. Et, face à ce “harcèlement”, ma sclérose en plaques commença à se réveiller. La poussée n’était pas encore là, non, mais je devenais de nouveau obsédée par ma maladie. S’affirmer face à ma maladie m’avait semblé peut-être possible mais, face à cette manager, je perdais pied. Je ne savais plus comment communiquer avec elle !
Au bout de deux mois à ce rythme, alors que j’allais rejoindre des amis un samedi soir, je fus prise d’une réelle crise d’angoisse en plein métro, incapable de respirer et de rester une seconde de plus dans un endroit fermé. Tant bien que mal, je sortis de la rame et rentrais chez moi à pied en gardant au téléphone une amie qui me rassurait.
En rentrant dans mon appartement, j’eus réellement l’impression que je devenais folle. Comme une sensation de dédoublement … je me voyais presque sauter de ma fenêtre pour que ça s’arrête.
Heureusement pour moi, ma mère était disponible ce soir là et ce fut elle qui m’expliqua ce qui était en train de se passer. Elle fut horrifiée alors que je lui racontais la réalité de mon quotidien dans mon travail.
Une nouvelle étape : savoir s'affirmer et communiquer
Alors que j’avais, à ce moment-là, pas mal espacé mes rendez-vous avec ma thérapeute, j’en repris un en urgence le lundi soir. Mon corps se réveillait, et il me fallait absolument trouver un moyen de l’apaiser.
J’entamais alors un travail pour trouver un moyen d’exister face cette manager. Savoir s’affirmer et communiquer dans un contexte comme celui-ci devenait crucial face à ma maladie !
Dans le cadre de nos séances, ma psychothérapeute mettait souvent en place des jeux de rôles où j’essayais de me positionner face à elle et de prendre ma place (j’ai déjà parlé dans un précédent article de la Gestalt-thérapie, qui est le courant que j’avais choisi).
Elle appuyait beaucoup sur un point : chaque fois que ma responsable s’énervait contre moi, elle était debout, à côté de moi, qui étais assise sur ma chaise. En réalité, j’étais plus grande qu’elle. Ma thérapeute me demanda si cela aurait le même impact, si je me retrouvais, dans ces moments, debout face à elle.
L’idée était que je parvienne à prendre ma place, à exister tout simplement ! Plutôt que de me ratatiner dès que ma manager s’approchait de moi.
Le déclic !
Un jour, alors que j’étais au travail et que nous nous retrouvions dans cette situation, la directrice debout et moi assise sur la chaise à côté d’elle, je me levais soudainement. Elle s’arrêta net. J’avais mis des talons ce jour et je la dépassais d’une bonne tête.
Curieusement, quelque chose la dérangea dans cette attitude. Elle me demanda pourquoi je me levais. Et je lui répondis que j’avais mal aux jambes et que j’avais besoin de les dégourdir mais qu’elle pouvait continuer. Elle eu du mal à reprendre le fil de ses pensées et, finalement, quitta la pièce.
Je ne sais pas si elle eu conscience de ce qui se joua pour moi. Pour elle, ça ne devait certainement n’avoir aucun impact pour la suite. Mais pour moi, inconsciemment, cela m’aida à regagner du pouvoir sur moi-même et à « prendre ma place » comme il est souvent dit en thérapie, c’est-à-dire me donner le droit d’exister.
Ce fut un moment très fort dont je garde une image vraiment nette. J’avais su m’affirmer !
Je prends enfin confiance en moi !
Au fur et à mesure, j’arrivais de plus en plus à prendre cette place, jusqu’au jour où j’osais lui demander un tête-à-tête. Je lui communiquais alors que j’avais du mal avec sa façon de me parler. Elle n’avait pas un mauvais fond. Je pense qu’elle était simplement dans une grande insécurité sur son poste et que mon tempérament l’in-sécurisait encore plus. Elle l’entendit et fis un peu plus attention. De toute façon, peu m’importait … j’avais fait un énorme progrès.
Je fus cependant remerciée un mois plus tard, « pour des raisons financières » alors que ma période d’essai touchait à sa fin. Sur le moment, ce fut un sacré coup dur pour mon estime de moi au niveau professionnel. Je fondis même en larmes devant le PDG.
Mais rapidement, je réalisais que ce poste ne me convenait pas. Si j’étais entrée dans l’univers de la formation, cet emploi restait trop centré sur l’administratif.
Aujourd’hui, avec le recul, je me rends compte que cette expérience m’a énormément appris.Et, une fois de plus, je suis convaincue que, si j’ai eu la force de faire ce pas dans le fait de s’affirmer et communiquer, c’est grâce à ma sclérose en plaques. C’est elle qui a été la sonnette d’alarme pour me montrer qu’il me fallait à tout prix changer pour prendre soin de moi !